9.5/10Chungking Express

/ Critique - écrit par Kassad, le 06/12/2004
Notre verdict : 9.5/10 - Choc Express ! (Fiche technique)

Tags : film wai chungking express wong paris kar

Ce n'est pas par ce que ces derniers temps ont vu l'éclosion d'un cinéma asiatique en pleine forme qu'il faudrait en conclure que ce phénomène est tout récent. Il est vrai que 2004 avec Old Boy, 2046 et Infernal Affairs est une année particulièrement riche en la matière. Mais faisons un petit bon en arrière de dix ans dans le temps. Nous y retrouvons Wong Kar Waï qui au milieu d'une grosse production Les cendres du temps, tourne ce petit bijou en quelques jours seulement, avec Tony Leung et Faye Wang, qui sont de nouveau présents dans des situations analogues dans 2046.

Le scénario est simple pour ne pas dire simplissime. Il s'agit en fait d'un croisement entre deux histoires mélant deux policiers qui viennent de se faire larguer et qui vont retrouver l'amour. Tout se déroule autour du ChungKing Express, une petite saladerie tenue par un propriétaire qui philosophe à coup de salade du chef et de pizza aux pepperonis. La première partie suit un jeune inspecteur dont la fiancée, May, lui a anoncé qu'elle allait le quitter le premier mai. On le voit trainer son désespoir et acheter des boites d'ananas dont la date de péremption est le premier mai. Son amour se périmera-t-il en même temps que les boîtes ? Le second est un policier en uniforme qui vient de se faire larguer par une hôtesse de l'air. Il a perdu le goût à la vie et se comporte comme un vraie zombie. Tous les deux vont rencontrer l'un une trafiquante de drogue et l'autre une serveuse au ChungKing Express qui vont changer le cours de leurs vies.

Attendez vous à un choc. Il ne s'agit ni d'un exercice de style graphique, comme In the mood for love, ni d'un scénario retors à l'instar de celui de Old Boy, encore moins d'un film d'action "asiatique" à la John Woo pré-hollywood. ChungKing Express est avant tout un film poétique. Une poésie asiatique très originale pour nous occidentaux et incroyablement belle. Je donnais l'exemple du policier qui collectionne les boites d'ananas en se demandant si son amour était à leur image : périssable. Il faut savoir que tout ce film est à l'avenant. Notamment dans la seconde partie où le matricule 663 (hum c'est là où l'on reconnaît bien le Wong Kar Wai avec sa fascination pour les chiffres) exprime son mal être lors de discussion surréalistes avec des objets : le torchon émotionel qui pleure, le savon qui maigrit et se laisse aller etc... Tout ce film traite des sentiments mais d'une manière vraiment originale. Tout est indirect, par exemple le policier 233 qui court pour ne plus avoir d'eau dans son corps, pour ne pas pleurer. Un dernier exemple, la réaction de 663 quand il rentre chez lui et découvre une inondation : "Soit j'avais mal fermé un robinet, soit la maison avait du chagrin. Je n'avais jamais pensé que la maison pleurerait."...

Une autre caractéristique confère sans doute possible le statut de film culte à ChungKing Express. Je vous mets au défi de trouver une minute de ce film qui ne présente pas un élément étonnant, remarquable, un petit truc qui restera scotché dans votre mémoire. L'inventivité de ce film est incroyable et on peut le regarder plusieurs fois de suite en y trouvant toujours autant de plaisir. Tous les détails concourrent à l'histoire et la mise en scène de Wong Kar Waï vous laissera à bout de souffle. Notamment ces plans où le personnage principal bouge dans un ralenti extrême alors que la foule tourne autour de lui en un accéléré frénétique. Et last but not least ce film offre une bande son magnifique qui vous montrera la beauté de California Dreamin' des Mamas and Papas avant qu'elle ne soit massacrée par les Royal Gigolos, ainsi qu'une reprise des Cranberries en mandarin par Faye Wang herself.

Ce film est pour moi un incontournable. Une petite heure et demie de magie et féérie (d'ailleurs préférez sans hésitation une V.O. hypnotique à une V.F. horriblement mutilante). Un film qui montre que Wong Kar Waï est un véritable génie : avec presque rien, quatre acteurs, des situations banales, il parvient à réenchanter le monde par le simple pouvoir de son imagination. Offrez vous un voyage à bord du Chungking Express, vous m'en direz des nouvelles.