Moi César, 10 ans 1/2, 1,39 m
Cinéma / Critique - écrit par Selena, le 27/05/2003 (Tags : cesar film berry cinema france comedie films
Amelie Petit
Salut ! Moi c'est César, César Petit... je sais ça fait ridicule, mais c'est mon nom. J'ai 10 ans et demi, je mesure 1m39... mais ça vous le savez déjà : c'est le titre du film.
L'histoire que je vous raconte par l'intermédiaire de Richard Berry : c'est la mienne. Vous suivez mon quotidien d'enfant un peu enveloppé, à ma hauteur et à travers mes yeux... et ce n'est pas toujours drôle ! Je ne sais pas si vous vous souvenez de quand vous étiez enfant (ça remonte à loin, non ?), mais c'est pas toujours cool : entre les parents qui font des crises d'autorité, les adultes qui ne vous écoutent jamais vraiment, et qui vous prennent de haut pour quelques dizaines de centimètres... on dirait que quand on devient grand, on oublie qu'on a été petit ! Et puis, y a Sarah Delgado, une super fille dont n'importe quel garçon normalement constitué tomberait amoureux, par exemple mon meilleur ami : Morgan. Je crois bien qu'il en pince pour elle. Lui, tout lui réussit, il est beau gosse, il est fort, il est doué pour tout... c'est pas comme moi ! En fait, je ne me fais pas remarquer, ni en bien, ni en mal. Je passe inaperçu, surtout aux yeux de mon père. Quand il s'aperçoit de ma présence, c'est le plus souvent pour me gueuler dessus. Mais bon, en ce moment, il est à cran, on dirait qu'il a des problèmes au boulot, de sérieux ennuis même. Mais moi, on me dit rien de toute façon, je suis trop petit pour comprendre... comme si je ne me rendais pas compte de ce qui se passe... pfffff ! Au moins, Morgan, il a pas ces problèmes avec son père, il ne le connaît pas, parait même qu'il vit à Londres...
Un film d'enfants, par des enfants, pour les enfants (et ceux qui ont gardé un souvenir nostalgique de leur enfance), ça donne quoi ?
La première partie du film se résume à un patchwork coloré, plus ou moins heureux et drôle de moments de la vie de César (Jules Sitruk) qui représente bien à la fois l'enfant d'aujourd'hui et celui qu'on a pu être, avec ses préoccupations, ses interrogations, ses joies et ses peines de gosse. Avec un regard d'enfant tendre et dur sur le monde de l'adulte(re), l'enfance est revisitée avec un ton plutôt juste et pertinent, mais le récit n'évite pas les facilités et les caricatures.
Ensuite, ce qui aurait pu donner lieu à un court métrage sur "mon enfance à moi" tente de s'étoffer par une greffe d'histoire, qui permettrait accessoirement de nommer l'ensemble un long métrage. Commence, alors, un road buddy kid movie, autrement dit le voyage impossible mais vrai de trois copains : Sarah (Joséphine Berry), Morgan (Mabo Kouyaté) et César, livrés à eux-mêmes à Londres, en quête du père inconnu de Morgan. La greffe a du mal à prendre, ou est ce Richard Berry qui s'y prend mal ? Pour rendre un tant soit peu intéressant le "perdu de vue" londonien, on a droit aux bonnes et aux mauvaises rencontres: aux vilains loups et à la gentille sorcière. La gentille sorcière, en l'occurrence, a les traits clownesques de Anna Karina, qui en bonne fée résoudra bien des tracas. Ouf !
Richard Berry s'est amélioré depuis son premier film L'art délicat de la séduction, au point même de séduire par un film tendre, émouvant et drôle, tout en se créant un style plus personnel. Il donne la parole à des enfants, chose plutôt rare au cinéma (voire ailleurs). Ce qui permet, d'une certaine manière, de rendre notre regard plus neuf sur le monde de l'enfance et sur le monde préfabriqué qu'on leur fourgue. "L'enfance est une période essentielle, fondatrice. Même si elle est heureuse, elle est jalonnée d'expériences parfois douloureuses et de circonstances qui fabriquent l'adulte. Peut-être pour oublier, en grandissant, les gens s'éloignent de cette période. Ils font taire cette petite voix sans compromis et pleine de bon sens avec laquelle ils commentaient le monde."
Néanmoins, la liqueur rose bonbon de Berry saoule, par moments. Ne serait ce que l'effet "Amélie Poulain": bons sentiments d'une fraîcheur naïve , musique de bal musette qui fait étrangement penser à celle de Tiersen, quartier Montmartre (mondialement poulainisé), quartier privilégié de la première partie du film qui rappelle, de son côté, une succession de scénettes dans lesquelles Amélie n'aurait pas dépareillée.
Malgré des faiblesses certaines, en restant bon enfant, on se laissera charmer et attendrir par ce film léger et familial dont la principale ambition sera de faire ressortir du cinéma, petits et grands, le sourire aux lèvres, et peut-être avec un léger goût de carambar dans la bouche, ce qui n'est pas franchement déplaisant.