8/10Biutiful

/ Critique - écrit par nazonfly, le 24/11/2010
Notre verdict : 8/10 - Biutiful pipole (Fiche technique)

Tags : film inarritu biutiful alejandro gonzalez festival cinema

Porté par un Javier Bardem qui bouffe l'écran, Biutiful est l'un de ces films tristes et gris où même l'espoir disparaît dans la mort. Pas biutiful donc.

  • Papa, comment ça s'écrit Beautiful ?
  • Comme ça se prononce.

L'Espagne des ciels brumeux et des grues de construction

Les mains dans les poches
Non ce film n'est pas drôle
Voilà en substance l'origine du nom du dernier film de Iñarritu, le réalisateur mexicain à qui l'on doit notamment
Amours chiennes, 21 grammes et Babel. On peine en effet à voir ce qui est Biutiful dans cette sombre plongée dans les tréfonds d'un Barcelone loin, très loin de la carte postale habituellement exhibée. Ici la mer n'a d'utilité que pour évacuer des cadavres à peine froids, et la Sagrada Familia s'élance dans un ciel brumeux, accompagnée de tristes grues de construction. Dans cette Espagne pauvre et délabrée, Uxbal tente vainement de se sortir d'une vie de misère. Vivant dans un taudis avec ses deux enfants délaissés par une mère mentalement malade, ses seuls moyens de subsistance résident dans l'exploitation des immigrés, chinois ou africains, vendeurs des rues, travailleurs à la chaîne ou main d'œuvre bon marché sur les chantiers de construction. L'envers du rêve économique espagnol.

La mort comme seul espoir

Je vous jure, on y rigole pas
Je vous jure, on y rigole pas
Dans cette cité en déréliction, la mort est une constante qui revient inlassablement au centre de l'histoire. Pour Uxbal, la mort est triple : celle de son propre père qu'il a à peine connu mais qui le hante toujours, la sienne dont il ne semble même pas s'inquiéter, mais surtout celles des autres, de ceux qui sont partis en ayant une tâche à accomplir. Car Uxbal est aussi à ses heures perdues un médium important dans la communauté : il sert de relais entre les morts et les vivants afin que les premiers puissent enfin trouver la paix. C'est ainsi que se glissent dans une histoire pourtant ancrée dans le réel des éléments fantastiques complètement décalés avec le reste du film. Les défunts qui hantent Uxbal reviennent incessamment dans sa vie comme pour annoncer sa mort prochaine, une mort qui semble représenter la seule porte de sortie qu'il puisse espérer dans ce monde.

Taillé dans la pierre

Mais pas du tout, du tout
Mais pas du tout, du tout
Pour camper ce formidable personnage d'Uxbal, il fallait un acteur qui puisse incarner à la fois la force de la vie et la faiblesse des derniers instants. Avec son physique formidable et son visage taillé au burin sur un cou de taureau, Javier Bardem en impose sans mal et occupe l'écran d'une façon magistrale. Il est, en effet, la pierre angulaire du film, celle sans lequel l'édifice s'écroulerait. Dans le même temps, il est pourtant aussi un homme sur la fin, vaincu par la maladie. Et Bardem parvient, avec le même brio, à se glisser dans la peau de ce malade qui souffre et qui sent la vie lentement lui échapper. Au fil de ses rôles, l'acteur espagnol devient une valeur sûre du cinéma, l'un de ces acteurs multiformes qui épousent et magnifient les personnages qu'ils jouent.

Du reste, Iñarritu s'impose lui aussi enfin avec Biutiful. 21 grammes bénéficiait d'un pitch génial mais restait inégal, Babel était un bon film sans réussir à être inoubliable. Biutiful en plongeant dans la vie de ce mourant tentant de se réhabiliter après des années à exploiter la misère humaine, dresse un portrait sans concession du rêve espagnol aux fondations qui tiennent plus du bas fonds glauque.