Les beaux gosses
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 21/06/2009 (Le bédétiste Riad Sattouf croque l'adolescence avec tendresse mais sans complaisance. Le ton est décalé, inhabituel, et les gags n'en sont pas vraiment. Bizarrement attachant.
Si l'on n'a pas suivi ces dernières années l'émergence des nouvelles signatures dans le petit monde de la bande dessinée, le nom de Riad Sattouf n'évoque pas grand chose. Le bonhomme qui signe ici sa première réalisation cinématographique (et le scénario, et la musique, et la tête, Alouette) a pourtant à son actif nombre d'albums vivement remarqués, et fait vivre depuis 2005 le personnage de Pascal Brutal dans les pages de Fluide Glacial. Couvert de récompenses, Sattouf a décidé de transposer sur grand écran l'univers de l'adolescence qu'il avait cristallisé dans ses albums La vie secrète des jeunes et Retour au collège. Une façon de se lancer dans une nouvelle expérience sans pour autant quitter ses repères, de la même
manière que Bilal avait puisé dans son propre matériau pour réaliser Bunker Palace Hotel et Immortel. Notons au passage que Joann Sfar passe lui aussi du crayon à la caméra, puisque l'auteur du Chat du Rabbin et du Petit Vampire est en train de mettre la dernière main à une biographie de Serge Gainsbourg qui devrait sortir en salles à la fin de l'année.
Hervé est en 3ème, a des boutons d'acné, un gros pif, une coiffure informe et un pote arabe nommé Camel. Autant de paramètres qui font de lui un des parias de la classe, un de ceux qui s'échangent des catalogues de la Redoute pour se masturber et n'ont pas la moindre idée de ce qui fait qu'un homme et une femme s'attirent ou se repoussent. Comme eux, il flotte dans l'ingratitude de cette époque mince et cruelle qui sépare (argl !) la préadolescence de l'adolescence.
L'accroche du film et sa promotion pouvaient laisser craindre l'artillerie lourde de la comédie pour jeunes, quelque part entre les antiques Sous-doués de Claude Zidi et la nouvelle vague crue des American Pie américains. L'approche de Riad Sattouf, plus portée sur la tranche de vie que sur la tranche de tarte du film précité, ne s'adresse pas réellement à un public adolescent, mais plutôt à l'ensemble des quidams qui, devenus adultes, parviennent néanmoins à se souvenir de leurs jeunes années avec suffisamment de clarté et de recul pour en rire. Le scénario
Un point !n'est pas constitué de gags à proprement parler, mais plutôt d'épisodes extraits directement du quotidien et qui ne font sourire qu'en fonction des souvenirs qu'ils réveillent.
Le thème central du film, on l'a compris, est l'émergence pénible de la sexualité, une constante dans l'œuvre de Riad Sattouf qui a dû en baver gravement dans sa jeunesse. Une émergence ponctuée de découvertes, de déconvenues, émargée d'anecdotes truculentes. Sattouf porte un regard franc sur la tranche d'âge passée au microscope, et n'hésite pas à mettre en avant les boutons, les appareils dentaires, les maladresses à la limite du tolérable pour l'adulte qui se remémore les avoir eues... mais c'est avec une tendresse évidente qu'il le fait, sans cruauté excessive. Le récit est parfois un peu longuet, souvent décousu, mais l'auteur BD révèle une vraie personnalité d'auteur ciné, un peu décalée (la musique au synthé, cocomposée par Flairs) et cohérente avec sa contrepartie pour papier.