7/10Aviator

/ Critique - écrit par weirdkorn, le 27/01/2005
Notre verdict : 7/10 - Scorsept (Fiche technique)

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"Il en a fait des choses et il était bien névrosé, le monsieur". Telle est la phrase qui résume sûrement le mieux Howard Hughes. Héritant d'une fortune due au pétrole, ce jeune industriel passionné d'aviation va tout mettre en oeuvre pour accomplir ses rêves. Dans l'Amérique des années 30, il est ainsi réalisateur, ingénieur aéronautique testant ses inventions et président de la TWA. Difficile de définir cet homme complexe, influent et visionnaire où sous un aspect de séducteur hollywoodien se cachait une personnalité déséquilibrée et phobique. Maniaque de l'ordre et de la propreté, peu enclin à vivre en société, sa souffrance n'a eu d'égale qu'un génie et une folie le rattrapant avec le temps.

Aviator, film biographique retraçant environ 20 ans du destin peu commun d'Howard Hughes, marque le retour de Scorsese à la réalisation et sa deuxième collaboration avec DiCaprio. Comme à son habitude, lorsqu'il fait quelque chose, il le fait en grand. Scorsese sait se servir d'une caméra pour retranscrire toute une époque et le prouve une fois encore. La reconstitution de ces années 30 est fignolée au détail près entre les décors, les costumes ou la musique. Il joue bien avec des effets de style comme les flashs des photographes (ça en met vraiment plein la vue) ou une bande sonore extrêmement travaillée. Les plans aériens sont filmés avec maestria, faisant ressentir vitesse et adrénaline (quel crash sur Beverly Hills !).

En plus de manier à merveille la photographie, Scorsese maîtrise parfaitement ses acteurs. Leonardo DiCaprio incarne Howard Hughes (le contraire eut été malheureux, étant lui-même l'instigateur du film) de toute sa classe, son exubérance et ses névroses. A côté, seule Cate Blanchett arrive à tirer son épingle du jeu par son interprétation de Katharine Hepburn, les autres ayant un rôle trop mineur. Les personnages gravitant autour de Howard Hughes ont une fonction beaucoup trop figurative. Le si riche casting annoncé est bien réel mais un peu truqué, Léonardo DiCaprio trustant quasiment l'ensemble du film. Alec Baldwin est sous-exploité tout comme Kate Beckinsale dont la présence n'est justifiée que par sa sublime beauté.

En fait, ce qui dérange est la construction de l'histoire. Très chronologique, le film ne marque que rarement le temps écoulé entre deux scènes et l'on a parfois du mal à connaître la durée de l'ellipse (2 jours, 6 mois, 5 ans, c'est très vague). Cette impression est renforcée par des problèmes de raccord. Tout ne s'enchaîne pas logiquement, des scènes tombent un peu n'importe comment et le fait que DiCaprio conserve plus ou moins la même tête au long du film n'arrange rien. De plus, le scénario n'aborde pas toute sa vie, seulement une vingtaine d'années, en se permettant d'occulter quelques événements louches et de passer vite fait des points importants. La fin de sa vie, pourtant le plus intéressant (10 ans passés nu et seul dans sa chambre d'hôtel), manque également. Finalement, on a l'impression de pouvoir en voir autant en deux heures qu'en six, que le film aurait pu être coupé ou rallongé sans que cela change grand-chose. Scorsese impose un bon rythme et une intensité soutenue mais insiste tellement sur certains passages qu'il aurait pu supprimer des scènes ou en rajouter à foison sans modifications majeures.

Aviator est une brillante biographie d'un personnage fascinant et profondément complexe. Scorsese met tout son art à son service et réalise là un film haut en panache. Cela dit, on manque de recul sur Howard Hughes. De nombreuses années de sa vie ont été écartées ainsi que certains de ses sombres desseins accomplis. Sa vision n'est que partielle et le film aurait été plus clair avec d'avantage de détachement même si cela aurait sûrement joué sur l'intensité du personnage.