Les aventures de Rabbi Jacob
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 01/06/2003 (
Victor Pivert est un grand industriel français en route vers le mariage de sa fille. Perturbé par les discussions téléphoniques de son patron et par les propos quelque peu racistes qu'il tient à son sujet, son chauffeur attitré, Salomon, perd le contrôle du véhicule, qui part s'écraser contre quelques arbres. Devant le refus de son employé de vouloir travailler après le coucher du soleil pour des raisons pseudo-religieuses, Pivert le congédie sur le champ et se retrouve rapidement esseulé en plein coeur de la France profonde, loin de tout.
Sa promenade nocturne le mène bientôt à une usine de chewing-gums, dans laquelle des activistes arabes, parmi lesquels Fares, brutalisent cordialement un leader politique de leur pays que tout le monde recherche, Mohamed Larbi Slimane. Autant dire que la vie de Pivert est sur le point de basculer. Bientôt, il devra même se déguiser en rabbin et prendre sans trop y avoir songé auparavant l'identité d'un autre.
Voilà une oeuvre de plus sur laquelle on pourrait débattre des heures durant. Et autant faire la part des choses sans devoir faire preuve de jolies formulations et d'élégantes réflexions. Parce qu'il n'est vraiment pas nécessaire de devoir résoudre une équation aussi complexe que x égale quelque chose lorsqu'il est question de ce formidable, de ce si brillant, de cet inépuisable personnage qui est un numéro à lui tout seul. Je veux parler de celui devant lequel la langue française peut rougir de honte. Car aucune subordonnée, aucun adjectif ni aucun barbarisme ne saurait vraiment définir avec précision qui était ce petit bonhomme haut comme quelques pommes, ce certain M. Louis De Funès. Car cet individu aura véritablement oeuvré pour l'Humanité. A sa manière bien entendu, sans canon ni aucune bombe nucléaire, mais avec une certaine gestuelle, tellement réfléchie qu'elle en devenait parfois aussi gracieuse que celle d'une belle ballerine. Avec cette façon de parler et cette manière d'utiliser son corps pour en dire toujours un peu plus encore que sa bouche ne parvenait à produire de paroles. Louis de Funès en aura fait rire pendant près d'un demi-siècle. Et il en aura fait rire aux larmes.
Les Aventures de Rabbi Jacob s'inscrivent parmi ses plus belles offrandes à un monde qui pleure aujourd'hui plus souvent qu'il ne rit. Certains parleront de plaidoyer anti-raciste, d'autres préfèreront parler de satire de la haute bourgeoisie de France. D'autres encore préfèreront hurler au scandale et dénoncer une sorte de caricature complètement insensée et totalement inadmissible des uns ou des autres. Il serait nettement plus sagace de parler de réussite pure en terme de comédie pure. Car ce film est un exemple en la matière et à tous les niveaux. Cette réussite est également celle d'une belle collaboration cinématographique à laquelle cette oeuvre mettra paradoxalement un terme : celle de M. Gérard Oury et de M. Louis de Funès, à qui nous devons également, faut-il le rappeler, La Folie des Grandeurs et La Grande Vadrouille.
De quiproquos en pastiches, de cascades en véritables courses poursuite San Francisquiennes, certes revues et corrigées plusieurs fois, nous sommes toujours aux côtés du pauvre Victor Pivert à qui il semble que tous les malheurs de la Terre puissent arriver. Chaque seconde est mémorablissime, chaque scène est à marquer dans les cahiers désespérément vierges du cinéma français de ces dernières années. Histoire de s'inspirer de vrais talents. Histoire de faire rire à nouveau. Certes, sans sa pièce maîtresse, la comédie française aura beau se gratter la tête et soupirer, elle est à la dérive, irrémédiablement.