Arizona Dream
Cinéma / Critique - écrit par Kassad, le 19/09/2005 (Tags : film arizona critique dream kusturica comedie emir
Le poisson ne pense pas, par ce que le poisson sait tout...
Martin Luther King a fait un rêve. Un rêve qui lui a fait changer le monde. Arizona Dream est le rêve américain de Kusturica. Un ex-yougoslave plus porté sur les gitans fêtards que sur les grosses productions hollywoodiennes : on imagine tout de suite que ça ne va pas passer inaperçu. Et de fait, la version d'Arizona Dream qui circule aux US a été amputée d'une grosse vingtaine de minutes. S'offrir un metteur en scène de génie passe encore, mais subir sa poésie surréaliste dans ce qui était prévu comme une grosse production c'est trop demander...
Si l'on peut facilement résumer le film, je ne suis pas sûr que cela ait un quelconque intérêt. Axel (Johnny Depp) surveille les poissons dans les eaux de New-York. Il est orphelin, c'est son oncle Léo (Jerry Lewis) qui l'a élevé. Léo va se marier et demande à Axel d'être son témoin. Quand Axel arrive, il aide son oncle à vendre des cadillacs. C'est là qu'il rencontre Elaine (Faye Dunaway), et sa belle fille (Lili Taylor).
Dans ce film chaque personnage ne vit que par ses rêves. D'une certaine manière on pourrait dire qu'Arizona Dream est la version réussie de Big Fish. Vous n'aurez pas droit à de la sensiblerie bon marché ni à une happy end bien sage qui remet tout en place, bien sagement. Rêve n'équivaut pas forcément à guimauve comme c'est trop souvent le cas. La mort est d'ailleur l'un des thèmes centraux. Il y a notamment cette scène ou chacun exprime comment il voit sa mort. Le personnage de Paul Léger est lui aussi totalement tragique (même s'il apparaît comique au premier abord). Il se prend pour un acteur et vit sa vie au travers des films cultes dont il rejoue inlassablement les scènes. Mais dans son délire on voit bien qu'il n'y croit qu'à moitié et que le désespoir n'est pas loin. Finalement c'est l'isolement qui frappe le plus : les personnages sont prisonniers de leurs songes et n'arrivent pas à communiquer entre eux de manière sereine. Le point extrême étant dans ce triangle amoureux entre Axel, Elaine et sa belle fille.
Mais, comme en poésie, la forme est peut être plus importante que le fond dans ce film. A ce sujet une remarque préliminaire : les acteurs y sont tous géniaux. Jerry Lewis notamment qui a dû passer à côté d'une grande carrière "normale". La bande originale est elle aussi de toute beauté : obsédant et parfait mélange entre choeurs slaves et guitare saturée, et un Iggy Pop au meilleur de sa forme. Enfin, il y a ce surréalisme, ce délire constant (la scène du diner, ou bien Johnny Depp faisant la poule sur une table à roulettes pendant que Lili Taylor joue de l'accordéon clope au bec) à côté desquels même des films comme The Big Lebowski paraissent cartésiens. Ce ton en rebutera plus d'un et ravira les autres. Moi j'ai été conquis au delà des mots.