American gangster
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 27/11/2007 (Tags : film gangster american lucas frank scott ridley
Un académisme fade au service de deux acteurs peu inspirés. Ridley Scott filme comme on se cure le nez, pour passer le temps.
Ridley Scott derrière la caméra, Denzel Washington et Russell Crowe devant. Un titre aussi sobre que général, un scénario inspiré d'une histoire vraie. Du matériel à Oscar, un carton immédiat au box-office. Tiendrait-on un chef-d'œuvre ? Pff, non. Une baudruche dont aucun spectateur n'aura plus souvenir d'ici une poignée d'années. Ni divertissant ni intéressant, juste bien fait.
Dès la fin des années 60, Frank Lucas (Denzel Washington) devient le n°1 de la vente d'héroïne à New York en faisant venir sa marchandise directement du Vietnam. Gardant un profil bas et une organisation exclusivement familiale, Lucas parvient à ne pas se faire remarquer. Richie Roberts (Russell Crowe), de son côté, est un flic intègre qui vient de créer une unité spéciale chargée de remonter jusqu'aux gros bonnets de la drogue. Vous mordez le topo ? Original, non ?
Porter à l'écran la carrière de Frank Lucas est un projet vieux de quelques années. Le rôle aurait pu être joué par Don Cheadle, celui de Roberts par Joaquin Phoenix ou Benicio Del Toro ; le scénario et la réalisation auraient pu être assurés
"Doux Jésus que ce quartier est populaire !"par Antoine Fuqua ou Terry George, avant d'atterrir dans les mains respectives de Steven Zaillian et Ridley Scott. La fiche technique finale, si elle ne manque pas de classe, brille essentiellement par son académisme. Un académisme ronflant qui transparaît dans un film sans âme, sans conviction, dont la principale qualité est de compiler efficacement sur sa bande originale les meilleurs titres soul des années 60/70 (on devrait néanmoins interdire de réutiliser les morceaux que Tarantino s'est approprié dans ses films, la comparaison sera toujours à l'avantage de QT).
Pour être exact, la première moitié du film est sans doute la plus triste. Triste dans le sens où, malgré le talent des acteurs et la capacité de Ridley Scott à lécher ses images, aucune émotion, aucune tension, aucun suspense ne transpire des évènements racontés. Frank Lucas est super-calme malgré la brutalité de son
"ça sent la moustache !"environnement, Richie Roberts est super-honnête malgré la tentation : rien de plus ne sort de cette première moitié, pendant laquelle vous pouvez finir votre nuit de la veille en cas de besoin (ou aller chercher une boisson gazeuse, des chips...).
A partir du moment où Denzel commence à sortir de ses gonds, le film gagne en intérêt. Non pas qu'on ait réellement l'impression qu'une soupape soit lâchée, puisque la tension n'existait pas précédemment ; mais le personnage gagne en épaisseur, tandis que celui de Russell Crowe continue de promener sa bedaine mollement entre vie professionnelle convenue et vie personnelle malheureuse mais inintéressante. A vrai dire, la meilleure scène arrive vers la fin du film (sans en constituer le climax, mais le climax en question sera lui-même suivi d'un dernier quart d'heure à mourir d'ennui), et confronte simplement Frank Lucas à sa mère. Un des seuls personnages secondaires à sortir du lot, avec celui de Huey Lucas, interprété par Chiwetel Ejiofor ; un acteur que l'on a plaisir à croiser fréquemment, et qui sera peut-être la Panthère Noire devant la caméra de John Singleton pour une adaptation du comics de Marvel.
Un bilan de santé peu réjouissant pour un film de plus de deux heures et demie : deux-trois bonnes scènes, deux personnages principaux entourés de figures transparentes à deux exceptions près (bien que la mère n'ait qu'une seule véritable scène), une bonne bande originale, et une intrigue cousue de fil blanc dont les spécialistes s'accordent à dire qu'elle romance à outrance la véritable nature de Frank Lucas, une brute analphabète qui n'aurait semblerait-il rien du dandy personnifié par Denzel Washington. Reste qu'artistiquement, Washington sort vainqueur de l'exercice, ce qui n'empêche pas Ridley Scott de continuer à rouler des pelles à Russell Crowe : ils préparent actuellement Nottingham, dans lequel Crowe interprétera le shérif qui veut la peau de Robin des Bois. N'empêche que Ridley Scott et les chefs d'œuvres, c'est fini depuis 25 ans...