8/10L'amant

/ Critique - écrit par Filipe, le 21/11/2004
Notre verdict : 8/10 - Passion sans destin. (Fiche technique)

En 1914, Marguerite Donnadieu naît à Gia Dinh, dans la banlieue de Saïgon en Indochine, quelques semaines avant que la première guerre n'éclate. Quatre ans plus tard, son père, Henri Donnadieu, est rapatrié en France pour y succomber. En 1922, après un bref retour en France, sa mère, Marie Legrand, s'approprie des terres incultivables à Prey-Nop. Elle dilapide ainsi leur fortune familiale. Elle et ses trois enfants habitent successivement Phnom-Penh, Vinh-Long puis Sadec. En 1930, Marguerite loge à la pension Lyautey et poursuit ses études secondaires au lycée Chasseloup-Laubat. C'est à l'âge de quinze ans et demie qu'elle rencontre ce chinois de trente-deux ans, qui deviendra son amant aux yeux du monde : passager clandestin d'une vie sans destin, vainement fantasmagorique.

En 1932, après avoir obtenu son baccalauréat, elle rentre en France, s'installe à Paris et y entame des études supérieures de Mathématiques, de Droit et de Sciences Politiques. En 1943, elle publie son premier ouvrage, Les Imprudents, sous le pseudonyme de Marguerite Duras. En 1984, elle obtient le Prix Goncourt pour un ouvrage traduit dans une quarantaine de langues, qui lève le voile sur la passion amoureuse qui l'unit autrefois à ce riche chinois en plein coeur de l'Asie coloniale. En 1989, Jean-Jacques Annaud accepte finalement de porter cet ouvrage à l'écran.

Ce jour-là, la jeune fille rentrait à Saïgon. Plus tard, elle retournerait à Sadec et devrait à nouveau affronter le courroux de son grand frère et l'apathie de sa pauvre mère. Chaque jour, elle rêvait d'évasion. Ses yeux se portaient sur d'autres horizons. Le jeune homme passait également le Mékong ce jour-là, à bord de sa grande automobile noire. La jeune fille portait des chaussures à talon et un chapeau d'homme. Elle n'avait pas encore défait ses nattes de petite fille. Elle voulait être une femme avant l'heure. Elle n'avait pas remarqué que le jeune homme l'observait. Elle s'est seulement retournée à son approche. Le jeune homme était d'une élégance sans faille. Il arborait un smoking blanc, qui faisait honneur à son rang. La jeune fille avait vu sa main trembler lorsqu'il lui avait proposé une cigarette. Elle avait aussi remarqué le diamant qu'il arborait. Leurs regards hésitaient à se rencontrer. Parce que c'était lui et parce que c'était elle. La jeune fille le considérait du coin de l'oeil. Le jeune homme ne l'osait guère. Magie d'une rencontre indécise, s'ouvrant sur un avenir incertain, une passion sans destin. Et puis c'est arrivé très vite ce jour-là...

Seulement, il est bien connu que les amants se perdent en s'aimant.

La restitution cinématographique est à la hauteur de l'événement. Le film est d'une grande sensibilité. La réalisation est minutieuse, tendant à multiplier les effets de style. Jane March et Tony Leung sont aussi convaincants à la verticale qu'à l'horizontale. Leur passion fleure l'authentique. Les décors sont ceux de l'Asie ancestrale. Costumes et accessoires ont été confectionnés sur place, sous l'égide de conseillers historiques. Le film illustre à merveille une époque révolue. Annaud souhaitait octroyer à son film une valeur historique. La beauté du langage, associée à l'intensité des images, est pleinement valorisée. Ce qui n'est pas toujours valable pour ce genre d'adaptation.