J'aime Foon... et j'assume

/ Article - écrit par Hugo Ruher, le 06/10/2014

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C'est fun, c'est cool, c'est Foon ! Presque personne n'a vu ce film et il s'est fait sévèrement bâcher par la critique, y compris dans nos colonnes. Alors pourquoi je l'aime ? Suis-je le seul ? Suis-je aveugle ? Fou ? Tentons de répondre à ces questions...

Ceci est peut-être mon dernier article chers Krinautes. Voici maintenant bien longtemps que mon esprit malade a sombré dans la folie. J'ai bien essayé d'ignorer. De me convaincre de la bonne santé de mon état mental. Pourtant... Je les entends à ma porte, comme chaque soir. Je ris en pensant aux esprits torturés persuadés d'être poursuivis pas des créatures démoniaques venues des fonds des mers ou de temps antiques. Belzébuth, Lucifer ou Cthulhu ne sont pour moi que des fadaises qui n'effraieraient pas un nourrisson. Alors que mes doigts tremblants se posent sur le clavier, je profite de ce qui me reste de capacités motrices pour vous parler de Foon. J'ai aimé Foon. Je l'ai vu plusieurs fois, volontairement, et je l'ai adoré. Et si on me proposait maintenant de le revoir, je dirais oui sans hésiter tant mes maigres volontés ont déjà lâché prise devant ce film.

L'appel de Philadelfoon

Foon c'est un film des Quiches... Je tremble rien qu'en évoquant leur nom. Les Quiches étaient un groupe de comiques qui officiaient sur Canal et que, je crois, tout le monde a oublié. Ils tournent là leur premier (et leur seul) long-métrage, Foon. Et de quoi ça parle ? Rentrons dans le vif du sujet.


Nos héros chers lecteurs.

 


Notre histoire se passe dans une université de Philadelfoon où il existe une séparation précise entre les Foon et les Pas-Foon qui s'affrontent dans une sorte de guerre des clans. Les Foon sont les mecs sportifs, les filles canons, et les rebelles populaires. Les Pas-Foon sont donc tout logiquement les intellos, les nerds, les coincés et les puceaux. Mais le bal de fin d'année approche et la principale du lycée décide, sous la pression d'un mystérieux « Master », d'y faire pour la première fois participer les Pas-Foon. Mais la situation dégénère et les Pas-Foon prennent le pouvoir dans une simili-dictature nazie. Oui.

Mon esprit est perdu depuis bien longtemps mais le votre peut encore s'en sortir. C'est pourquoi je ne peux pas coucher sur mon OpenOffice toutes les clés de l'intrigue. Mais sachez qu'outre le pitch de départ que je vous ai révélé, des numéros musicaux à la Glee rythment le récit et sont tout aussi inutiles que téléphonés. Et puis un dernier détail... Tout le film est en franglais. Les coins de mes lèvres s'agitent nerveusement en repensant à cette scène où une fille a été forcée d'avaler une bague. Elle dit alors à ses comparses : « Dont t'inquiète, I'll shit it, and récupère it tomorrow ». Le film entier est dans cet étrange langage impie que seul les initiés peuvent comprendre. Des initiés dont je fais partie, il est trop tard pour m'en rendre compte désormais.

Dans l'abîme de l'humour

La critique cinématographique a pourtant essayé de me dissuader d'aller voir ce film : voici un très bon papier de Brazil : « This film pue, stink, and the pire, it is not even funny. Not at all! » La plupart dénonçant l'humour au ras des pâquerettes, le rythme irrégulier, l'aspect foutraque de la réalisation et le jeu amateur des acteurs. Moi-même, je me considérais alors humblement comme quelqu'un ayant un minimum de culture cinématographique et étant capable de distinguer un chef d'oeuvre d'une bouse. J'étais pourtant déjà bien loin.


Je ne sais absolument rien de ce qui se déroule devant mes yeux.

 

J'ai donc passé de longues nuits à m'interroger sur ma santé mentale, à me demander à quel moment de ma vie une irrésistible envie de matière fécale cinématographique s'était mise à me tenailler. Mes DVD d'Hitchcock allaient-ils prendre la poussière avant d'être remplacés par une collection Ashton Kutcher ou Uwe Boll ? Quelque part, je refusais d'y croire. Faible que j'étais. Meurtri, j'ai montré le film à des amis mais le verdict était sans appel... Réussir à visionner Foon en entier est même devenu un pari parmi mon entourage, et je ne pouvais que jalouser le sentiment de rejet et de dégoût que n'importe quel être humain aurait dû ressentir alors que moi, seul, je devais me mordre les joues pour réprimer un rire devant un tel enchaînement de gags.

Celui qui rigolait dans les ténèbres

C'était il y a presque une décennie mais ce film, loin d'être une lubie passagère, continue de me hanter. Le fait qu'il soit totalement tombé dans l'oubli n'a fait qu'accentuer mon isolement, ma perdition dans la folie de mon être. Je me dis parfois que ce n'est pas moi, que c'est un démon qui a pris possession de mon âme. Mais quelque part, je sais. Et mon esprit forme des arguments qu'il croit rationnels pour justifier mon amour inconditionnel pour Foon.

Le franglais par exemple. Franglais qui a été fustigé comme une blague lourde et nonsensique. J'ai trouvé que c'était une des trouvailles majeures des Quiches. Non pas pour le concept lui-même mais parce qu'il s'insère parfaitement dans l'univers créé. On finit par ne plus y faire attention et il n'agit comme un ressort comique. On ne rit pas à cause du franglais, ce n'est qu'une toile de fond servant à mettre en valeur les personnages.


Je vous ai parlé des méchants?.

 

Les personnages, parlons-en. Incarnés par de très bons acteurs qui, j'en suis persuadé, cachent leur talent derrière un sur-jeu ad nauseum, ils se fondent dans l'univers sixties ultra-coloré. Comment puis-je toujours m'esclaffer devant Brian Very Very Beau, Janis Magic Nichons, Teddy Like a Puceau et Nancy Cul-Cul la Pral ? Je vois vos yeux consternés se poser sur moi, mais ne vous en faîtes pas. Ma dignité a été une des premières parties de moi à quitter ce monde.

J'admire ce film. Il enchaîne les gags, et même s'il y a quelques moments de mou, il ne déroge jamais à son univers si particulier. Le délire est absurde, nawakesque, tout ce que vous voulez... Mais il est cohérent. Foon est un film qui s'assume pleinement et qui ne recule devant rien pour persister dans cet humour qu'il sait unique. C'est cet aveuglement qui repousse la plupart des spectateurs mais qui m'a pourtant attiré pour ne plus me lâcher.

Le scénario est à l'image de cette absence totale de limite. Une vengeresse manipulatrice, un amour interdit, un régime pseudo-nazi, un bal meurtrier, Thierry Lhermitte. Oui, Thierry Lhermitte fait une apparition. Et comme les autres protagonistes, il parle franglais. Pourquoi est-il là ? Je l'ignore. Et lui aussi certainement. Est-il aussi devenu fou ? Une recherche sur sa page Wikipédia m'apprend que ses films suivants ont été Les Bronzés 3 et Incontrôlable. Il est perdu.

La douleur tombée du ciel

J'ai aimé Foon d'un bout à l'autre. Je suis sourd au point que je n'entends pas le bon sens des critiques et des cinéphiles qui me hurlent tous ses défauts. Je suis aveugle au point que les faiblesses du scénario ne me sautent pas aux yeux comme elles le devraient. Je suis fou au point que je ne peux que rire devant une scène finale qui atteint des sommets de délire et d'absurdité. Je ne cherche pas à me justifier, mais juste à faire savoir au monde que ce genre de film existe. Et qu'aucun de nous n'est à l'abri d'un jour se perdre dans les méandres cinématographiques de l'esprit humain.


A l'époque j'aurais rêvé que mon lycée ressemble à celui-ci.

 

Ils sont à ma porte. Les démons. Ils me disent de voir Foon à nouveau. Que faire si ce n'est céder ? Je suis maintenant trop faible et trop à leur merci pour faire quoi que ce soit. Prisonnier volontaire, j'ai perdu toute volonté et je vais regarder Foon à nouveau. Si vous me voyez, n'essayez pas de me sauver. Je suis déjà fini. Fuyez. Et ne vous retournez pas. La folie is déjà on me. I am dead à l'intérieur.