6/10A la croisée des mondes : La boussole d'or

/ Critique - écrit par Nicolas, le 10/12/2007
Notre verdict : 6/10 - La Boussole dort (Fiche technique)

Tags : film mondes croisee boussole lyra weitz chris

Sans chemise, sans Pantalaimon...

Les portages se succèdent, la question reste entière : comment matérialiser au cinéma de manière convenable une œuvre majeure de la littérature de près de cinq cents pages sans pour autant froisser l'auteur ou les adorateurs ? Deux écoles : l'adaptation allégée, ou comment construire une histoire différente sur les mêmes bases (syndrome Jurassic park) ; et la transposition bon gré mal gré, ou comment compresser une volumineuse et riche intrigue en deux petites heures sans faire l'impasse sur les points névralgiques du scénario. Quelle est la meilleure approche, nous ne saurons le dire, l'exercice a toujours été périlleux et continue de l'être aujourd'hui. La preuve avec cette croisée des mondes.

L'univers est composé de milliards de mondes, parallèles au nôtre, parfois séparés par un cheveu. Dans le monde de Lyra Belacqua (Dakota Blue Richards), chaque être humain est attaché à un animal (un "daemon") qui le suivra tout au long de sa vie, partagera ses souffrances et ses joies, et disparaîtra à sa mort. En compagnie de son daemon Pantalaimon, Lyra a toujours vécu au Jordan College, en présence d'érudits et d'élèves, mais le retour de son oncle, Asriel (Daniel Craig), va tout bouleverser. Des rêves de voyage plein la tête, Lyra décide d'accompagner Mme Coulter (Nicole Kidman) à la ville, pour préparer une expédition dans les royaumes du nord, là où la Poussière se relie à l'homme. Mais qu'est ce que la Poussière ? Pourquoi le maître du Jordan College lui a-t-il remis juste avant son départ une boussole dorée ? Et qui se cache derrière les nombreuses disparitions d'enfants ? Le voyage commence...


"Moi aussi, je veux faire partie du MI-6 !"
A n'en pas douter, l'œuvre papier de Philip Pullman est un bon livre, à bien des égards, et se positionne comme une sorte d'Harry Potter bien mieux construit, bien mieux écrit, et un poil plus adulte dans les thèmes qu'il aborde, l'originalité lui faisant néanmoins défaut. Ce sera bien l'une des seules critiques sérieuses que je pourrais lui assigner, ça et un final un peu trop expéditif à mon goût compte tenu de l'intensité dramatique du passage en question. En film, c'est bien simple, vous verrez au prochain numéro ! Les scénaristes ont en effet ordonné de sérieux retranchements et des manipulations structurelles parfois assez difficiles à avaler, si bien que le dénouement se voit relégué à l'épisode suivant (sortie en 2009, accrochez-vous !). De plus, il est important d'ajouter que Pullman n'est pas Tolkien, A La Croisée des Mondes n'est pas Le Seigneur des Anneaux, et que Chris Weitz n'est pas Peter Jackson. Aussi, merchandising oblige, le film devait contenir dans une durée accessible aux plus jeunes et au public profane, ce dernier se révélant relativement conséquent comparé aux potteriens et aux frodiens. Deux heures pour tout entraver, c'est court, et le film ressemble donc à une mitraillette d'informations qui assassine toute intensité dramatique, à commencer par les relations humains - daemons qui demeurent assez superficielles dans leur ensemble. A deux ou trois scènes près, la sauce prend moyen, l'immersion est difficile et le charme n'opère que par petites touches.


"Met ton Pantalaimon, ma chérie..."
Même assagie, Lyra Bellacqua reste un personnage intéressant sur bien des aspects, et ceci même en prenant en compte les raccourcis et changements effectués. Lyra affiche en effet les premiers signes, déjà considérables, d'une adolescence impétueuse et insolente, d'une opposition avec l'âge adulte relevant tout autant d'une idéologie un peu manichéenne (le bien contre le mal) que d'une volonté de grandir trop vite. L'oeuvre se montrait un peu plus ambigue sur les objectifs de chacun, qu'il soit bon ou mauvais, dommage que ce trait de caractère ne fut pas davantage mis en valeur par les scénaristes, le film aurait gagné quelques points sur le marché adulte. Le film assure néanmoins son quota de prouesses visuelles inhérentes aux grandes oeuvres de fantasy, en transposant à la perfection, ou peu s'en faut, le monde imaginé par Pullman. Chaque plan grouille d'animaux numériques, gesticulant, braillant, se métamorphosant, et il serait aisé de parier que les plus jeunes penseront à commander au père noêl une petite hermine ou un ours en armure. La modélisation numérique éclipse du coup la quasi-otalité du casting, excepté Lyra (le prestige d'être en tête d'affiche), mais le rendu reste très agréable à voir.

Sortie incontournable de l'hiver, mais pour public jeune, certes, de toute façon la concurrence reste assez timide. Pourtant, nul doute que le résultat final aurait pu avoir plus d'allure avec du temps en rab. Les écarts avec le livre restent assez négligeables, d'un point de vue de l'histoire, mais les fans se crisperont devant le traitement infligé à certains personnages, et sur la coupe violente effectuée sur les denriers chapitres. Se laisse suivre, en mode automatique, la faute à un rythme un peu trop soutenu.