Cours, Lola, cours
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 30/06/2003 (Tags : lola cours film cinema tykwer manni tom
Manni serait le gendre idéal pour le père de Lola si, du jour au lendemain, il décidait de ne plus travailler en tant que coursier pour Ronnie, un odieux trafiquant d'automobiles. Voilà qu'un jour, cette fripouille de Ronnie décide de tester son larbin favori pour de bon en lui confiant un sac de billets un peu plus consistant qu'à l'accoutumée. Il contient 100 000 marks. Quelques instants plus tard, Manni trouve pourtant le moyen d'oublier cet argent dans un métro.
Seul et désemparé, certain d'être virtuellement mort à ce moment précis, Manni contacte Lola, sa petite amie, et lui résume brièvement la situation. Manni doit rendre l'argent à midi. Ne sachant trop que faire pour sauver son ami, Lola prend quelques secondes pour réfléchir, prend ses jambes à son cou et part à la recherche de 100 000 autres marks. Mais elle ne dispose pour cela que de vingt toutes petites minutes.
Le chronomètre est enclenché. Lola s'engage alors dans une invraisemblable course contre la montre. Une course rendue assez trépidante par l'omniprésence de musique allemande post-moderne et par les multiples changements de prise de vue opérés sans trop de délicatesse par un véritable bricoleur d'images, Tom Tykwer. La première force de Cours, Lola, Cours est sa formidable mise en scène, ces séquences de dessin animé qui s'insèrent à merveille dans le film et toutes ces autres trouvailles visuelles et sonores qui n'ont qu'une seule prétention : celle de vouloir à tout prix divertir tous les publics.
Mais Cours, Lola, Cours n'est pas seulement une vitrine d'effets spéciaux que certains jugeront de toute manière dépassés. Tom Tykwer n'a pas eu à se tracasser : il n'a pas eu à réaliser un final éblouissant, empreint de bons sentiments et de jolies images colorées, mais il a mis en place trois différents dénouements, dont chacun est le résultat d'un enchaînement assez logique de différentes situations et prises de décision. Le film s'articule donc selon trois actes bien distincts, dans lesquels on retrouvera toujours la même situation de départ. Seulement, les choses ne se passeront jamais de la même manière pour ses différents protagonistes.
Un détail et votre vie bifurque. Il suffit simplement d'un pas de plus en avant, d'un geste ou d'un mot prononcé par soi-même ou par un autre sans trop de réflexion préventive, il suffit d'une rencontre... il suffit d'un rien, quelques instants, pour faire basculer le cours de sa propre existence et par voie de conséquence, l'existence des autres. On retrouve en filigrane quelques bribes de théories kantiennes. Le film est une brillante illustation du concept aujourd'hui bien connu du battement d'aile du papillon.
Cours, Lola, Cours est une vraie leçon de cinéma donnée, une fois n'est pas coutume, par des Allemands au reste du monde. Il s'agit là d'un film au même titre qu'un album d'images se feuillette et se lit. Un film élémentaire et accessible à n'importe qui, même aux plus engourdis d'entre-nous. La forme est excessivement belle, la réalisation, exemplaire, les acteurs, de bonne qualité. On voudrait cesser d'être humain et ne jamais devoir cligner des yeux. Le fond est sincère et véritablement intéressant. Nous avons là une première ébauche de réflexion sur la vie. La vie avec un grand A, dans sa globalité, qui n'est finalement qu'une succession d'évènements de probabilités P1, P2, P3... et qui s'accompliront ou ne s'accompliront pas.