7.5/108 Mile

/ Critique - écrit par Nicolas, le 03/03/2003
Notre verdict : 7.5/10 - Eminem Show (Fiche technique)

Tags : film eminem jimmy mile vie hanson curtis

Solidement ancrés dans mon esprit, mes a priori sur le rap et dans une certaine mesure sur Eminem rejoignent ici immanquablement mes énormes préjugés sur toute success-story portée au cinéma. 8 Mile avait donc peu de chance de pouvoir survivre à mon hostilité hautement subjective qui ne tarderait pas à fusiller le rappeur provocateur et sa musique. Mais, et c'est là que se situe le mais, deux heures après le début de ce qui m'avait semblé difficile à apprécier, tout me condamne à écrire à l'encontre de mes pressentiments et à forcer la vérité : 8 Mile est réussi.

Poussé par son grand ami Futur (Mekhi Phipher), Jimmy Smith Jr (Eminem) alias Rabbit monte sur scène pour participer à une bataille de rap. Le trac et la froideur de la salle à son égard lui coupent toute répartie, et c'est sous les huées qu'il quitte le club. Malmené entres problèmes familiaux, affectifs, professionnels, seul son talent de rappeur semble à ses yeux être la solution miracle, pour peu que les magouilles de son copain Wink trouvent un aboutissement...

Le titre 8 Mile est tout d'abord une référence à la Eight Mile Road, la ligne virtuelle de démarcation entre Detroit (territoire des blancs) et sa banlieue (territoire des noirs). Pour le personnage de Jimmy, fac-similé flagrant de Eminem, Eight Mile Road représente la barrière psychologique qui l'empêche d'accomplir ce dont il se croit doué, ou comment rejeter la faute sur une espèce de bouc émissaire pour se convaincre de son talent. C'est ça, le message de 8 Mile ? Oui, comme le dit la bande-annonce, « si la rue ne te donne pas ce dont tu as besoin, il faut te débrouiller seul ». Eloignement total de la success-story basique, s'évertuant à romancer et gliterriser le parcours professionnel d'une star de la musique, 8 Mile ne couvre pas la vie artistique d'Eminem, mais survole un passage décisif de la mentalité du jeune homme.

« Mais alors, que se passe-t-il pendant presque deux heures ? ». Avant tout, 8 Mile honore le rap et le hip-hop, le dépouillant des plus gros clichés pour n'en garder que l'essentiel : la musique sert à s'exprimer. Progressivement, la violence physique croule sous le poids de la violence des mots, par le biais de plusieurs scènes de « batailles » de rap. Le principe ? Deux rappeurs s'affrontent tour à tour, munis de quarante-cinq secondes pour enfoncer son adversaire sous les rimes improvisées. Version officielle du combat des rues quotidien, où les serial rimeurs donnent corps à leur rage de vivre sans pour autant en venir aux mains.

« Mais la VF ne plombe-t-elle pas une culture musicale aussi spontanée ? ». Pour tout dire, on évite la catastrophe que laissait envisager la bande annonce, puisque toutes les chansons et l'intégralité des scènes de batailles demeurent en VO sous-titrée, juste milieu pour ceux qui rament en anglais (la traduction fait perdre tout de même énormément au change) comme pour les bilingues expérimentés.

8 Mile se situe très loin de ce qu'on pouvait attendre de ce genre de film, au-delà d'une quelconque provocation ou d'une success-story mielleuse, apportant un véritable message tout en faisant l'apologie du Hip-Hop. Eminem se révèle acteur dans cette apparente autobiographie de son parcours, bien que le personnage de Jimmy Smith se présente trop « clean » pour être vrai. Dépouillé de son honorable profondeur, 8 Mile souffre cependant de quelques sentiments de déjà-vu dans son déroulement, sans pour autant rallonger d'ennui son discours.