7/102009 Lost Memories - DVD

/ Critique de dvd / blu-ray - écrit par Nicolas, le 18/05/2003
Notre verdict : 7/10 - Le Film (Fiche technique)

Tags : dvd memories film lost lee coree jeux

Critique du film et du DVD

LE FILM

« A peine le DVD fut-il inséré dans le lecteur, ou bien quelques secondes après, peu s'en faut, une agréable musique tambourinante s'empara de mes oreilles pendant qu'un menu prestigieux s'occupait de câliner mes yeux. Même un film méconnu comme celui-ci, me suis-je dit, ne pouvait être mauvais avec une telle entrée en matière... »

Le 26 octobre 1909, le nationaliste coréen An Chung-Gun assassinait dans une gare de Mandchourie le premier ministre japonais Ito Hirobumi, provoquant à court terme l'annexion un peu brutale de la Corée par le Japon. Après plusieurs années de lutte, la Corée gagna, à l'aube de la seconde guerre mondiale et des troubles qui en découlèrent, son indépendance et sa liberté, Tout du moins, c'est l'histoire telle que nous la connaissions...
Car ce 26 Octobre 1909, An Chung Gun est abattu par un soldat de l'armée japonaise particulièrement vigilant, juste avant que le coréen puisse mettre un terme aux jours de Hirobumi. L'histoire de la Corée s'en retrouve profondément modifiée. Annexée par le Japon, elle perd toute identité nationale et devient territoire japonais à part entière. Pendant la seconde guerre mondiale, le pays du soleil levant se rallie aux forces alliées, et c'est la capitale de l'Allemagne Berlin qui fait les frais de la bombe atomique. Les coréens, dépossédés de leur histoire et de leur langue, sont en 2009 des japonais comme les autres...
A Séoul, un soir de 2009, la galerie d'art mise en place temporairement par la fondation Inoue est attaquée par un groupe d'extrémistes nationalistes coréens, les Hureisenjin. Dépêché sur place, le Japanese Bureau of Investiguation et son escouade dirigée par le japonais Saigo Shojiro (Toru Kakamura) et le coréen Sakamoto Masayuki (Jang Dong-Gun), éliminent non sans perte la totalité des terroristes. Mais leurs véritables intentions restent encore bien floues, ce qui intrigue particulièrement Sakamoto. Chargé de l'affaire, il va remonter la piste des Hureisenjin jusqu'à découvrir un secret dont il n'aurait jamais pu se douter...

Qualifier 2009 Lost Memories relève de l'exercice périlleux. Un polar SF un peu ambitieux ? Une réflexion historico-patriotique ? Ou bien encore, un film d'action vitaminé piochant à tous les râteliers ? Ce qui est assuré, c'est qu'il n'a rien d'un blockbuster américain comme on l'entend au sens premier du terme, doté d'une profondeur réflexive assez importante pour lui donner une poussée d'intérêt si souvent absente dans les productions à grande échelle. Car 2009 Lost Memories fait partie de ces superproductions noyées sous les zéros des factures, celles où les protagonistes principaux passent un temps considérable à s'entraîner aux armes/arts martiaux, où les producteurs n'hésitent pas à faire importer des caisses et des caisses d'armes à feu quasi réelles, et où les responsables des effets visuels ne savent plus où donner de la tête entre explosions, retouches numériques, et impacts de balles dégoulinants.
Film d'action tout d'abord, d'inspiration forcément Wooienne. Remarque confirmée dès les premières scènes de Saigo et Sakamoto, une opération coup de poing sur un groupe de terroristes un peu trop envahissant. Une séquence-massacre royalement mise en images, qui ne regarde ni les cadavres ni le nombre de balles utilisées, peut-être pas très lourde de sens si ce n'est l'exposition de la volonté inébranlable des Hureisenjin. Et ce ne sera pas la seule fusillade, même si l'on n'atteindra pas une telle ampleur dans le déluge de balles. Et l'aile d'un John Woo plane visiblement sur chacune de ces séquences. Gros plans sur les regards, ralentis voluptueux, mise en valeur des « combattants », etc. Et l'on en vient donc au premier problème du film. A force d'user de ralentissements prolongés à toutes les sauces, le film se noie parfois dans l'effet à outrance, insufflant à certaines scènes une aura lyrique qui en devient rébarbative à mesure qu'elle est ré-employée.
Film policier ensuite, dans les pures lignes de l'art. Sakamoto rassemble comme il peut les maigres informations laissées par les Hureisenjin et tente en vain de découvrir le véritable dessein de cette organisation diablement énigmatique. Et visiblement, certains ne veulent absolument pas que le coréen mette les pieds dans des affaires qui ne le concernent pas. Cet aspect, passablement classique entre l'apparente conspiration et les déboires filiaux du héros, prend rapidement une tournure déconcertante qui se constitue comme deuxième problème du film. Alors que l'enquête atteint un point culminant dans son propre empêtrement, le film effectue une virage ultra serré vers son troisième aspect, à deux petits doigts de se vautrer dans le décor et d'éliminer sèchement l'avis très positif conservé jusqu'ici.
Film d'anticipation, donc, basculement à la fois attendu et surprenant par la façon dont il est amené. Ce n'est pas d'une minute à l'autre, mais on n'en est pas loin. Hormis les quelques minutes explicatives franchement un peu déconcertantes, dans le sens négatif du terme, l'idée se tient et introduit la véritable réflexivité du film.
Film « qui fait réfléchir », enfin. Car si le message pourrait paraître patriotique, il n'en est absolument rien dans son développement. Pas dans l'idée tout du moins, tenant plus d'une réflexion à caractère historique que d'un hommage élogieux à la Corée. L'histoire de la Corée, relativement méconnue en occident, révèle pourtant une double lecture au titre du film : d'une part, la modification historique imposée par le film ; et d'autre part, l'identité coréenne malmenée par l'annexion du Japon et les effets post-guerre mondiale. Début d'un débat plausible (plusieurs interprétations divergentes circulent sur le web, celle que j'énonce en est un recoupement très résumé), mais qui donne en tout cas envie de s'intéresser à ce beau pays si souvent oublié (et qui nous révèle enfin des talents de cinéastes).

Un film d'action très inspiré dans sa forme par les courants américains, mais largement plus louable que la sur-masse de soi-disant blockbusters pétaradants. Une très bonne surprise un peu plombée par l'évident sens-spectacle de la mise en scène du réalisateur, pourtant peu regardant sur l'effet à ses dires, et par la communion un peu maladroite de la SF et du film policier, une fusion bien vite arrivée et déballée un peu violemment. Mais point de vilaine rancune, 2009 Lost Memories fait honneur au cinéma coréen et promet un très agréable moment.

LE DVD

A l'instar de Volcano High, 2009 Lost Memories bénéficie d'une édition collector 2 DVD de très grande qualité. Passons sur l'élégant écrin largement porté sur les faciès de nos chers héros, et lançons la bête. Première approche, les menus sont étonnamment fonctionnels et agréables à regarder, sans compter la couverture musicale qui n'est autre que le thème principal du film, un régal symphonique je ne vous dis que ça.
La deuxième approche, c'est évidemment la qualité graphique du film qui frôle la perfection inatteignable. Frôle seulement ? Je pinaille certainement en précisant que j'ai cru discerner après examen minutieux un léger effet de grain à certains moments sombres du film. Je pinaille vraiment ? Ok je pinaille.
Mais j'aurais été certainement plus colérique si le mixage audio avait été négligé, en considération de la magnifique bande originale symphonique dont se dote le film. Je me vois rassuré de constater qu'aucun terme péjoratif ne m'est venu pendant le visionnage. Si ce n'est, peut-être, une légère faiblesse sur les enceintes arrières, relativement bénigne. Préférez en tout cas la version originale, conseil qui pourrait s'appliquer à n'importe quel film asiatique.

LES BONUS (près de 5H)

- Les interviews du réalisateur Lee Si-myung (5'30), des acteurs Jang Dong-Gun (3') et Nakamura Toru (5'), et du responsable des décors Kin Ik-sang (3').
Passons les entretiens avec les deux interprètes principaux, chacun envoyant des fleurs à l'autre sans s'écarter de ce qu'un acteur made in Hollywood pourrait dire. Plus intéressant, le réalisateur concède facilement les faiblesses de ses capacités et sa relative étroitesse d'esprit, pendant que le responsable des décors livre un parallèle amusant entre les films SF à grande échelle (genre Star Wars) et le ridicule inévitable d'un film asiatique correspondant aux mêmes critères (d'où le choix d'un polar SF ambitieux).

- Commentaires audio du réalisateur Lee Sy-Myeung, de l'acteur principal Jang Dong-Gun, et du compositeur de la musique (2h10 environ)

- Clip Vidéo (3'40)
Quelques séquences du film assemblées sur le (magnifique) thème principal du film, le tout « sali » par quelques bruitages et dialogues tirés des scènes choisies.

- Documentaire sur le tournage (10'30)
Petit montage de différentes séquences hors-prises, présentant l'envers du décor des séquences d'action, l'entraînement subit par les acteurs, explosions de maquette, mais aussi quelques chiffres comme le nombre d'armes importées, jours de tournage, le temps pour construire le Centre Ito (plus grand décor intérieur jamais construit pour le cinéma coréen), et le budget de tout ceci (8 milliards de Won, soit environ 6 millions d'euros, plus gros budget pour un film d'action coréen). Un peu en double - emploi avec le vrai making-of du film, à moins de considérer le présent documentaire comme une sorte de « bande-annonce ».

- Mixage du son (20')
Les 7 pistes des 20 premières minutes du film isolées, écoutables une à une.

- Diaporama

- Tout sur le tournage (environ 2h10 au total)
LE bonus du DVD, un gros making-of incontournable de plus de deux heures de scènes d'archives, découpées en 15 « chapitres », présentant tour à tour et de manière objective les scènes-clés du tournage sans aucune intervention explicative que ce soit. Si quelques unes pourraient être qualifiées d'un peu longuettes (les multiples prises de Dong-Gun en froid avec la prononciation japonaise, ou les réglages du regard de Saigo lors de la scène de l'attentat de 1909), la grande majorité présente un intérêt indéniable et témoigne d'un travail passionnant et de longue haleine, et même parfois très dangereux (un chapitre est d'ailleurs entièrement consacré aux petits incidents subits par les acteurs et les cascadeurs). Un coup de chapeau doit être rendu aux décorateurs et artisans chargés des maquettes et constructions en studio, véritables artistes malmenés par les contraintes de tournage.

CONCLUSION

Un film un peu trop tape-à-l'oeil mais impressionnant de maîtrise et bien plus salutaire que la plupart des films d'action enjolivés sur le devant de la scène cinématographique internationale.
Un DVD « carrément » magnifique, à une ou deux enceintes près.
Une quantité de bonus assez impressionnante, judicieusement dépareillés et rangés, dont un making-of très exhaustif de par le fait très captivant.